Pour les victimes rencontrées, porter plainte permet d’inclure un tiers entre soi et l’agresseur, transférer la responsabilité aux mains de la justice et amener l’auteur et l’acte dans le champ social. La plainte est l’élément constitutif des faits ; elle devra la répéter à plusieurs experts, juges, médecins. Pour ne pas vivre cette procédure pesante, certaines déposent une main courante ; d’autres repartent sans porter plainte. L’adjudant Kozak développe les raisons qui poussent certaines victimes à retirer leur plainte : « Elles ne veulent pas donner de suite ; elles ne veulent pas que la personne mise en cause soit entendue ; elles ne veulent pas que la famille soit perturbée ; elles ne veulent pas qu’il y ait de fracture au niveau familial. »
Il est encore plus difficile pour un enfant de parler face au regard judiciaire.
François Devaux, abusé dans son enfance et co-fondateur de l’association La Parole Libérée, revient sur les enjeux liés à l’extériorisation de ce qui est vécu : « L’enfant est programmé pour aimer. Ce n’est qu’après qu’il remet en question. Jusqu’à qu’il devienne sexué, l’enfant aimera de manière indéfectible, y compris ceux qui lui portent violence. S’il coupe ça, il meurt ».
L’enfant ne connaît qu’un environnement, à la fois aimant et source de violences. Faire la part des chose n’est pas envisageable. Exposer sa situation reviendrait à faire voler en éclat le monde qui l’entoure et se détruire.